Presentation

Alexis Cordesse (Paris, 1971) est un photographe dont le travail avec l?image est souvent associé à un travail avec les mots ou le son pour produire des objets hybrides qui explorent la part de manque des images et leur relation au récit historique.
D?abord photoreporter,  couvre les conflits majeurs de l?après guerre-froide. Ses photographies sont publiées dans la presse française et étrangère, exposées au festival Visa pour l?Image (1992). Il participe au premier World Press Master Class (1995). À partir du milieu des années 90, sa pratique s?éloigne du photoreportage. Il retourne sur les terrains de l?actualité (Rwanda, Palestine, Syrie,?) avec d?autres exigences éthiques et plastiques pour proposer des formes susceptibles de traduire une autre réalité que celle qui nous parvient généralement par le biais des médias. Sa démarche se nourrit d?une réflexion sur la responsabilité des images et l?éthique du témoignage.
Ses travaux ont été présentés à la Dokumenta XI à Kassel (2002), à l?ICP à New York (2003), à Paris lors du Mois de la Photo (2010 & 2017), au Louvre dans le cadre de l?exposition Une brève histoire de l?avenir (2015). Ils sont présents dans de nombreuses collections publiques et privées, dont le Fonds national d?art contemporain, le FRAC Auvergne, le musée Nicéphore Niépce, la Bibliothèque nationale de France, la collection Neuflize Vie ABN AMRO. Le court-métrage Itsembatsemba a reçu, en 1997, le Merit Winner au San Francisco International Film Festival, ainsi que la mention spéciale au Festival du cinéma documentaire de Bilbao la même année. Alexis a reçu le Prix Lucien & Rodolf Hervé en 2010, le Prix Arcimboldo, en 2011, pour son projet Borderlines.

Collections publiques

? Bibliothèque nationale de France

? Fonds national d?art contemporain

? FRAC Auvergne

? Musée Nicéphore Niépce

? Collection Neuflize Vie ABN AMRO

? Fondation Swiss Life

? Artothèque d?Annecy

Textes

RWANDA

C'est dans l'indifférence générale qu'eut lieu le génocide du Rwanda.

Le 6 avril 1994, le président Juvénal Habyrimana est assassiné. Aussitôt, le pouvoir en place met en application son plan d'extermination visant à éliminer tous les opposants au régime et l'ensemble des Tutsis du Rwanda. En moins de 100 jours, militaires, miliciens et civils tuèrent entre 800 000 et un million de personnes. Puis le pouvoir génocidaire contraignit à l'exode vers les frontières 2,5 millions de Hutu dont une grande partie avait participé aux tueries.

Ancien photoreporter, Alexis Cordesse se rend pour la première fois au Rwanda en 1996. Deux ans après le génocide, sur les collines, il interroge des survivants, enregistre les traces de l'absence et les séquelles du traumatisme. Confronté à l'inimaginable, il en tire la nécessité de repenser sa pratique en s'interrogeant sur la faillite du pouvoir des images à informer. Dès lors, il retourne régulièrement au Rwanda et consacre plusieurs travaux à l'évocation de ces événements. Son approche associe photographies, documents d'archives et témoignages.

La démarche d'Alexis Cordesse résiste à la commodité d'un discours moralisateur sur le crime de masse, la souffrance de la victime, et sur l'inhumanité du bourreau. Elle interroge le pouvoir des images à dire uniquement par elles-mêmes la nature de ce qui s'est passé et invite le spectateur à penser le crime plutôt qu'à le contempler.

 

BORDER LINES

Israel, Territoires Palestiniens, 2009-2010

Border Lines regroupe un ensemble d'images à caractère documentaire mises en forme grâce aux technologies numériques. Ces images sont des montages que j'ai réalisés à partir de photographies prises lors de séjours en Israël et dans les Territoires palestiniens, entre 2009 et 2011. Elles témoignent du morcellement d'un territoire où les frontières, tangibles ou invisibles, se superposent et se croisent. Omniprésentes, elles déterminent les espaces et les hommes dans une région du monde devenue le théâtre d'une actualité permanente, une actualité dont les moindres soubresauts engagent les valeurs de civilisation de l'Orient et de l'Occident. Tout y est à la fois séparation et saturation.

Je choisis des lieux de l'espace public caractérisés par la présence de frontières, qu'elles soient politiques, historiques, sociales ou bien identitaires. En fonction de la topographie de chacun de ces lieux, je décide d'un point de vue, et réalise, dans la durée (de quelques minutes à plusieurs heures), des photographies instantanées des espaces et des personnes qui les pratiquent. Puis, j'assemble et superpose, par ordinateur, des fragments d'images, de manière plus ou moins perceptible. Les images obtenues sont des montages au format panorama qui empruntent aux genres de la scène de rue et du paysage. Les espaces ainsi recomposés fonctionnent selon leur propre temporalité. Tout y est à la fois vrai et faux.

Alexis Cordesse

 

LA PISCINE

En été, la piscine de Châtillon-Malakoff, dans la banlieue sud de Paris, est l'une des piscines les plus fréquentées de la région parisienne. Son bassin olympique, situé en extérieur, attire chaque jour jusqu'à 2 500 personnes venues pour se rafraîchir, se baigner, faire un pique-nique, la sieste, draguer... Les usagers, par leur diversité sociale, culturelle et générationnelle, constituent un ensemble humain particulièrement hétérogène.

Au cours du mois de juillet 2003, j'ai installé un studio en plein air, à proximité du bassin, pour réaliser une série de portraits d'anonymes en maillot de bain. Il n'y a ni vérité ni naturel dans ces portraits. Ils sont le résultat d'un échange, souvent long et exigeant entre moi et les personnes qui ont accepté de poser : faire don de soi à travers une démarche visant à rendre publique son image. Incarner, par la représentation photographique, la présence au monde de chacun tout en célébrant sa beauté singulière.

Alexis Cordesse, Malakoff - Châtillon, France, 2003.