Moï Ver
Image : 8 x 5,5 cm
Tirage : 8,5 x 6 cm
Tampon "Velox" au verso
Image : 8 x 5,5 cm
Tirage : 8,5 x 6 cm N° Inv. MV1806001 Cordialement.
Presentation
Né le 5 décembre 1904 à Lebedevo, près de Vilna, Moses Vorobeichic étudie la peinture au département des Beaux-Arts de l'université Stefan-Batory de Wilno à partir de 1924. Trois ans plus tard, il entre au Bauhaus (Dessau) dans la classe préparatoire de Joseph Albers dont le thème porte sur la construction et les matériaux, leur apparence et leur représentation. Il suit également les cours de Paul Klee, Wassily Kandinsky et Hinnerk Scheper jusqu'à la fin de l'été 1928. Son intérêt pour El Lissitzky, les films de Sergej Eisenstein et les photomontages de John Heartfield l'oriente vers la photographie plutôt que la peinture. Il faut également signaler son admiration pour le travail de László Mohaoly-Nagy, professeur au Bauhaus et auteur de Malerei, Fotografie, Film (Peinture, Photographie, Film).
Textes
À l’automne 1928, Moses Vorobeichic quitte l’Allemagne pour s’installer à Paris. La vie artistique parisienne de l’époque est en pleine ébullition, de nombreux artistes sont réunis dans la capitale, ce qui amène Vorobeichic à écrire à son père en lui disant qu’il en apprendra plus en un jour à Paris qu’en un an à Dessau. Tout en se rendant régulièrement au Louvre pour copier les peintures des grands maîtres, il suit les cours de l’Ecole technique de photographie et de cinématographie rue de Vaugirard ainsi que ceux de Fernand Léger à l’Académie Moderne.
Devenu photographe indépendant, Vorobeichic retourne à Vilnius en mars 1929 pour réaliser un reportage sur le quartier juif de sa ville d’origine. Exposées lors du congrès sioniste de l’été 1929 à Zurich, les photographies attirent l’attention d’Emil Schaeffers, alors directeur de la collection «Das Schaubuch» aux Editions Orell-Füssli, qui propose de les publier. Ce livre, Ein Ghetto im Osten, Wilna (Un ghetto à l’Est, Vilnius) paru en 1931 , raconte en images le mode de vie de la communauté juive. J’ai tout simplement laissé aller mon Leica, c’est comme ça que j’ai conçu le livre sur Vilnius. La mise en page et les montages sont bien évidemment inspirés du cinéma. Publié en plusieurs langues (hébreu/allemand et hébreu/anglais), le livre s’adresse au grand public. Vorobeichic montre la misère du ghetto, mélange les vues des rues étroites avec les portraits. Cette vision du quartier juif est contrastée par la mise en page, traitée avec une pensée moderne et novatrice héritée des cours d’Albers au Bauhaus. Vorobeichic superpose, colle et agrandit les images.
Une fois la maquette du livre sur Vilnius achevée, Vorobeichic se consacre au deuxième grand projet photographique de sa carrière ; PARIS . Sa vision avant-gardiste reste la même mais le rendu est différent car le sujet a changé. Les rues figées de Vilnius ont fait place au rythme effréné de la capitale française. Les mouvements, les foules, les automobiles s’agitent au fil des pages et Vorobeichic, devenu Moï Ver nous renvoie à la vision qu’il a de la métropole : encombrée, fourmillante, vivante. Le livre, publié en 1931 à 1000 exemplaires numérotés par les éditions Jeanne Walter connaît un véritable succès et Moï Ver devient un photographe très prisé. L’ouvrage est salué par la critique, notamment par Florent Fels qui, dans un numéro de L’Art Vivant de 1931 qualifie le livre de simple mais précieux document de l’art d’aujourd’hui. Moï Ver se rend à Berlin pour remettre un exemplaire de l’album, préfacé par Fernand Léger à Moholy-Nagy. À l’époque, la capitale française est très prisée des artistes étrangers et beaucoup d’entre eux s’y sont installés, notamment à Montparnasse. La Ville Lumière fascine et les publications se multiplient ; en 1929, Germaine Krull publie 100 x Paris, un panorama complet de la ville, en 1932, Brassaï met en avant la vie nocturne avec son Paris de nuit et en 1934, c’est André Kertesz qui lui rend hommage dans son livre Paris vu par André Kertesz . Après ce succès, Moï Ver travaille en tant que photographe de presse à l’agence Globe-Photo, spécialisée dans le reportage international. Son travail est également publié dans Vu, Paris Soir, Arts et Métiers graphiques (n°22 et 23) et Bifur (n°8).
Le troisième grand projet de Moï Ver, Ci-Contre , est mené pendant l’année 1931. Une nouvelle fois, il modifie son nom pour Moï Wer. Après trois mois de travail, il envoie la maquette définitive du projet, composée de 110 tirages en vis-à-vis, à Franz Roh. Professeur d’histoire de l’art à Munich, directeur de la collection Fotothek, Roh est également l’auteur du livre Foto-auge qui accompagnait l’exposition Film und Foto présentée à Stuttgart en 1929. Intéressé par le travail de Moï Wer, il cherche un éditeur pour le projet mais les bouleversements politiques de l’époque empêchent finalement la parution et la maquette reste en possession de Franz Roh. Moï Wer perd le contact avec Roh en 1933 et vers 1940-1945, pensant la maquette perdue, il tente de reconstituer la série de mémoire. Alors que la première maquette se concentre sur la nature et l’architecture, ces 30 doubles-pages mettent l’accent sur les personnages. Moï Wer note que la première version porte encore l’empreinte du Bauhaus et d’Albers. L’aspect nature morte domine. La deuxième, quant à elle, est pleine de vie.
En 1932, il est envoyé à Tel Aviv pour couvrir la Maccabiah, l’Olympiade juive. Les photographies documentant cet évènement font l’objet d’une exposition intitulée Palestine d’hier et d’aujourd’hui à la Galerie d’art contemporain à Paris.
Moï Wer s’installe en Palestine en 1934 et devient Moshe Raviv, il travaille comme graphiste publicitaire et photographe indépendant. En 1937, il retourne en Europe centrale réaliser un reportage sur les fermes collectives juives. Il photographie les communautés juives, leurs activités (agricoles et manuelles), leurs habitations et leurs loisirs. En 1950, un portfolio intitulé Polen (Pologne) d’une douzaine de portraits extraits de ce reportage est publié à Tel Aviv.
En 1948, lors de la création de l’Etat d’Israël, Moshe Raviv effectue son service militaire et met sa photographie au service du mouvement sioniste en réalisant des affiches. Son travail est également utilisé pour illustrer des livres destinés à la jeunesse. On peut noter dans ces livres que la vision avant-gardiste des années 1930 a laissé place à un académisme marqué. Au début des années 1950, Moshe Raviv délaisse la photographie pour la peinture, notamment religieuse et cofonde une colonie d’artistes à Safed, au nord d’Israël. Les années passent et son nom tombe peu à peu dans l’oubli.
En 1968, Ann et Jürgen Wilde, collectionneurs allemands, acquièrent la maquette originale de Ci-Contre. Ils se mettent alors à la recherche de son auteur. Après plusieurs années d’enquête, ils envoient une première lettre à Moshe Raviv en 1972. Au cours de leurs échanges, le photographe exprime son plaisir de savoir la maquette de Ci-Contre conservée. Dans les années 1980, le travail de Moshe Raviv est présenté dans des expositions sur le Bauhaus. Le photographe s’éteint en 1995 à Safed et ce n’est qu’en 2004, après en avoir acquis les droits, qu’Ann et Jürgen Wilde publient l’ouvrage Ci-Contre en fac-similé .