Jean-Christophe Béchet

Presentation

Né en 1964 à Marseille, Jean-Christophe Béchet vit et travaille depuis 1990 à Paris. Il a auparavant suivi des études d'économie (Aix-en-Provence, 1982-1985), puis de photographie (Arles, 1985-1988) avant de séjourner et de voyager deux ans en Afrique de l'Ouest (1988-1990) Mélant noir et blanc et couleur, argentique et numérique, 24×36 et moyen format, polaroids et « accidents » photographiques, Jean-Christophe Béchet cherche pour chaque projet le « bon outil » , celui qui lui permettra de faire dialoguer de façon pertinente une interprétation du réel et une matière photographique. Héritier de la « photo de rue », qu'elle soit américaine, française ou japonaise, il a choisi de ne pas abandonner le terrain du « document subjectif » , associant reportage et paysage, portrait et architecture. Se méfiant des séries fermées sur elles-mêmes, il cherche dans chaque projet à révéler une spécificité photographique. Son regard sur le monde se construit livre par livre, l'espace de la page imprimée étant son terrain d'expression « naturel ». La place de l'homme dans le paysage contemporain, urbain comme naturel, est au centre de ses préoccupations. Il poursuit en ce moment un travail sur les grands villes européennes, asiatiques et américaines et développe en parallèle plusieurs séries sur les territoires de Haute Montagne.

Presse

Textes

AMERICAN PUZZLE

"La mémoire croit avant que la connaissance ne se rappelle. Croit plus longtemps qu'elle ne se souvient, plus longtemps que la connaissance ne s'interroge" Lumière d'août, William Faulkner

1988. Fin de mes études de photographie. Je ne suis alors jamais allé aux Etats-Unis, mais je conçois un livre intitulé Le voyage américain dans lequel je rassemble, région par région, les photos prises aux USA qui ont façonné mon regard. Mon regard sur ce pays, mon regard sur la photographie elle-même. A travers Evans, Arbus, Frank, Friedlander, Avedon, Callahan, Baltz, Eggleston, De Carava? et Plossu et Depardon?

2011. J'ai compté, je suis allé 17 fois aux USA. Seventeen trips Mes référents culturels et politiques ont évolué. D'autres images sont venues se superposer à celles qui remplissaient mon imaginaire. Mais tout s'est passé comme je l'avais imaginé. Que restait-il à photographier aux USA ? Rien ? Ce n'était pas possible? J'ai failli ranger mes boîtiers. Et puis, un soir, j'ai écouté au piano une énième version des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach interprétés par un jeune pianiste. Après tant d'autres, et certains monstres sacrés, il osait affronter cette partition? Le parallèle s'imposait. Et si le territoire américain était justement nos Variations Goldberg à nous les photographes du réel, de la société et de la politique ? Et si justement, il fallait un jour en passait par là ? Comme une nécessité d'aller se frotter à ce réel imaginaire. Pour ensuite aller sinon plus loin, du moins ailleurs. Et être plus libre, peut être?

Deux ou trois escales en Asie durant ces dernières années et quelques lectures m'ont confirmé ce sentiment : les Etats Unis ne sont plus le Nouveau Monde. Dans le viseur de mon appareil photo, je voyais au fil des années un univers de plus en plus brinquebalant et cabossé. Pourtant l'Amérique, ce pays-continent, restait fascinante et inquiétante pour un européen. Comment appréhender l'extraordinaire homogénéité d'un peuple fait de mille origines ? Comment comprendre cette adhésion aux mêmes valeurs et aux mêmes signes : le capitalisme, le dollar, le drapeau, les panneaux de basket, Jésus, le culte de la voiture ? Oui, l'American Way of Life change, s'adapte mais existe toujours.

L'idée du puzzle s'est alors imposé. Chaque image, chaque pièce est différente, voire étonnante, biscornue, mais elle s'insère dans un grand ensemble que je souhaite cohérent. Ce fut le défi du livre. Page après page, je voulais faire cohabiter le noir et blanc et la couleur, le western et le jazz, Faulkner et Kodak, la ville et la campagne?En cours de route, j'ai décidé que New York n'y trouvait plus sa place, j'en ai enlevé les images. Et j'ai repris ma route balisée, mon parcours entre réalité et photographie. Et j'ai (re)trouvé mon Amérique, celle que je hais, celle que j'aime. Celle qui oublie si vite son histoire si courte, celle qui impose sa mémoire visuelle à tout photographe qui s'y rend.

Sur le terrain, je n'avais pas le choix, j'ai assumé mes influences. J'ai rencontré "par hasard" le tricycle d'Eggleston, les femmes de Winogrand, les drapeaux de Frank, les coins de rues de Stephen Shore, les carrefours de Friedlander, les façades d'Evans? Autant de hasards objectifs? Le thème était là : restait à trouver la tonalité et le tempo ?

Jean-Christophe Béchet

 

ACCIDENTS

Cherchant en vain à représenter la bave d'un animal haletant, le peintre grec Protogène jette finalement de dépit une éponge sur son ?uvre ; il obtient alors, par « hasard », le rendu qu'il recherchait? Cette anecdote, racontée par Pline l'Ancien, est citée par Pierre Soulages pour expliquer l'importance des « accidents » dans sa peinture.

Chaque pratique artistique crée ses propres accidents. Ils vont s'opposer à la maîtrise technique, au « professionnalisme » ; ils vont introduire un espace de surprise et d'improvisation. En photographie, art « mécanique », l'accident sera tributaire de l'outil utilisé. Comme en musique, où l'instrument impose sa propre personnalité.

Par nature, un accident est un événement néfaste, négatif, malheureux. C'est pourquoi, en photographie comme dans les autres arts, l'accident doit être un ratage, une bévue, une erreur. S'il est volontairement recherché, il devient un effet de style et un maniérisme. Dans chacun de mes livres, j'ai intégré des images du réel « involontaires » et « inconscientes ». Face à eux, comme devant l'éponge de Protogène, on peut parler de petit miracle esthétique. Tout créateur aime, je crois, ce moment où son travail s'affranchit de sa propre maîtrise et de son savoir-faire.

Mes « accidents » photographiques portent la trace des technologies argentiques. En noir & blanc, comme en couleur. Les accidents qui m'importent sont ceux qui possèdent une épaisseur fictionnelle. Souvent ils étirent le temps, créant une sensation de travelling. L'image n'est plus coupée de son hors champ. L'irruption de la lumière, de la matière, des griffures? ancrent les images dans une autre dimension documentaire. L'accident révèle ici la spécificité photographique qui mêlé réel et fiction, narration et documents, poésie et vérité de l'instant.

L'accident photographique, le « «vrai », survient par la force du hasard et de l'inconscient. Il prend la forme d'un hasard « objectif » que l'on espère sans doute un peu? mais qui ne sera jamais une démarche consciente. On ne choisira pas un matériel parce qu'il « crée » des accidents. En revanche on se méfiera de ceux qui prétendent les éradiquer.

La découverte d'un accident réussi offre une respiration de bonheur. Décider d'en faire une ?uvre à part entière, c'est instaurer un dialogue et une connivence avec le public. C'est aussi démontrer par l'absurde que c'est dans l'improvisation, et même les « couacs », que notre travail tient. Cela atteste de la liberté d'un style. Comme ces jazzmen qui s'emparèrent avec virtuosité du free jazz pour pousser leur instrument aux limites extrêmes de leur technique.

L'accident survient alors dans une disponibilité totale à ces hasards objectifs qui créent le bonheur du désordre. L'accident perturbe l'ordre, l'électronique, la sécurité, la répétition, la maîtrise? Il est plus que jamais nécessaire à la photographie du réel.

Jean-Christophe Béchet, 2012

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