Erwin Blumenfeld

Presentation

Dès l’âge de 11 ans, Erwin Blumenfeld découvre sa passion et son talent pour la photographie. Dadaïste, il expérimente le photomontage à Berlin. Emigré aux Etats-Unis après son internement dans les camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale, il devient l’un des photographes couleur les plus influents du XXe siècle.

Textes

"Berlin, Amsterdam, Paris, l'Europe fut un renoncement, une blessure jamais cicatrisée. Voici un cas singulier : un photographe qui ne souhaite pas se retourner sur cette vieille Europe, coupable d'avoir trahi ses idéaux d'humanisme et de beauté, et qui souffre d?un mal incurable, l'inculture et le « synchronisme » américain. Lui qui a cru aux vertus de l?art, aux avant-gardes, n'a plus d'autre ambition que d'étouffer cette trivialité quotidienne. E. Blumenfeld parsème alors ses kodachromes et ses Ektachromes de notes, de rappels constants à un passé qu'il ne peut enfouir, dont il ne peut se séparer. Rien de nouveau depuis le départ forcé de France, l'esthétique reste la même : solide et nuancée, un peu charmeuse mais toujours précise. Il accorde ses deux voies, modernité et classicisme, c'est-à-dire jeu et rigueur. L'audace des poses et des cadrages s'accommode de la sobriété de la composition. Finalement, l'objet même de la commande, le vêtement, il s'en moque. Il détourne cet objet. Voilà le plaisir. Et pour cela, nul effort n'est jamais vain dans ce studio. Le souci d'échapper au quotidien morne et gris, sans intérêt aucun, traverse la photographie. Il faut se départir de l?odeur du réel, de ses apparences, de ses pièges. Seule la conjonction de la volonté et de la libido, unis dans l?art peuvent nous épargner la monotonie et la bassesse des sentiments. La joie de la couleur est fille de l'exigence. Une exigence qui n?eut de cesse de croître pour une image qui ne pouvait souffrir d'aucune faiblesse, au risque de la stérilité."

François Cheval, Extrait de la préface de « Blumenfeld Studio, Couleur, New York, 1941-1960 », Steidl, 2012