Presentation
Arnold Newman est considéré comme un pionnier du portrait environnemental. Intégrant dans la même image, le modèle et son oeuvre, il a su capturer les images définitives de nombreuses personnalités du XXème siècle. Décédé en 2006 à l'âge de 88 ans, Arnold Newman est devenu très vite célèbre pour ses portraits d'artistes après avoir été présenté au photographe Alfred Stieglitz. Cependant, dès 1938, il poursuit en parallèle, une recherche personnelle sur des compositions abstraites. C'est la juxtaposition de cette œuvre que nous présenterons aux Douches la Galerie, le 1er mars.
Avec la complicité des Archive Arnold Newman, Howard Greenberg Gallery à New York, la Fondation pour l'Exposition de la Photographie à Paris, et la galerie Valérie Bach à Bruxelles qui a présenté ce travail à l'automne dernier, nous sommes très heureux, à notre tour, de vous faire (re)découvrir ce superbe travail.
Communiqué de Presse
Un pionnier du portrait environnemental
On reconnaît aisément le travail de Newman. Localiser le sujet dans son environnement pour mieux le définir, voilà la signature de l’artiste. Un meuble, un cadre de vie, un accessoire suffisent parfois à illustrer le personnage. De Stravinski à Picasso en passant par Françoise Sagan, ils sont nombreux à s’être prêté au jeu du photographe. Il a commencé par photographier les peintres issus de l’Expressionnisme Abstrait de l’École de New York qu’il a rencontré dans les années 40. Plus tard, il a photographié Picasso, Braque, Miró ainsi qu’une grande majorité des artistes modernes européens. Dans les années 60 et 70, Warhol, Frank Stella, Claes Oldenburg et Louise Nevelson, pour n’en citer que quelques-uns, posèrent devant son objectif.
Bien que sa façon de photographier ses modèles ait influencé des générations de photographes, il n’appréciait guère cette étiquette de pionnier du portrait environnemental. “Laissez tomber les étiquettes … Ce qui m’intéresse, c’est ce qui motive les individus, ce qu’ils font de leurs vies, leurs personnalités et comment je les perçois et les interprète. Mais ce qui importe avant tout, c’est que, même si la personne n’est pas connue (ou qu’elle est déjà oubliée), la photographie en elle-même soit toujours quelque chose d’excitant pour celui qui la regarde. C’est ce dont ma vie et mon travail sont fait … je me vois simplement comme un photographe qui travaille sur le portrait, l’abstraction, les natures mortes ou autres. Donc, j’utilise le mot “portrait” dans son sens générique, en englobant tout, sans restrictions. Un grand photographe qui m’a libéré des barrières et des étiquettes fut Stieglitz. Je lui ai une fois demandé si je devais retoucher une image et il m’a répondu, « Peu m’importe ce que vous faites avec ce négatif. Vous voulez cracher dessus, le retoucher, le piétiner, peu importe … la seule chose qui compte vraiment, c’est l’image finie. Si elle est honnête, elle semblera honnête. Si elle est malhonnête, vous ou n’importe qui d’autres pourront le dire. "
“Je construisais une photographie. Je ne la prenais pas”.
À propos de ces premières photographies, Newman disait “j’ai travaillé de façon très délibérée sur mes peintures et j’ai suivi la même direction en photographie. Je construisais une photographie. Je ne la prenais pas”. Ce précepte est devenu manifeste dans toutes les photographies de Newman, mais particulièrement dans le travail qu’il a fait en Floride à la fin des années 1930.
Avec l’argent qu’il a reçu dans le studio où il travaillait, il a pu acheter un appareil photo, Speed Graphic, avec un objectif de qualité et, avec son nouvel équipement, il a commencé “à construire” des photographies de nature fortement expérimentale. Incorporant beaucoup de principes esthétiques du Cubisme, Newman a produit des images qui sont très proches de l’abstraction. En isolant des formes et des objets, en soulignant la linéarité et maximisant les effets visuels de l’ombre et la lumière, il a créé des images d’une beauté remarquable et d’une grande rigueur dans la composition. Il a également fait des expériences avec des découpages et des collages pour explorer dans sa recherche des techniques photographiques non conventionnelles. Ces travaux, d’avant-garde au moment où ils ont été faits, ont incontestablement résisté à l’épreuve du temps et existent aujourd’hui comme des exemples vivants non seulement de la capacité artistique innée de Newman, mais aussi de son empressement à prendre des risques au niveau artistique.
Le travail de cette période [des premières années] contient le vocabulaire complet du lexique visuel d’Arnold Newman.
Newman a utilisé les relations spatiales, l’environnement, les objets, l’art et les attributs des individus, comme une symbologie de la personnalité dépeinte …
Une série datant de 1983 d’un village de Shaker à Hancock, dans le Massachusetts, fait écho aux préoccupations de Newman dans son travail abstrait de la période de 1939 à 1941 et offre un aperçu de son intérêt pour la composition. Bien que le vocabulaire stylistique de Newman soit très vaste, il possède certains accents qui le définissent. La délinéation formelle de l’espace dans le travail sur les Shakers annonce une approche structurelle de l’arrangement des objets caractéristique de l’ensemble de sa production. Dans les granges et les maisons austères des
Shakers, nous pouvons voir une sensibilité proche de celle de Mondrian dans l’arrangement spatial. Les lignes des murs et des structures, le modelé et l’attirail du ménage semblent être bidimensionnelles. Les lignes parallèles ne laissent aucune impression de récession diagonale dans le plan de l’image. Chaque élément appartient à l’endroit où il se trouve, attribuant une permanence et une perfection à chaque mur, tuyau de poêle, escalier, dotant le tout d’une impression de temps suspendu, d’harmonie et de tranquillité. Une impression qu’une ligne diagonale détruirait. Newman a voulu présenter ces images frontalement, caractéristique de sa façon de fabriquer les images. Sa manière d’arranger des fragments d’environnements donne un exemple de l’équilibre qu’il a cherché pendant des années.
La présentation en deux dimensions de son travail montre son intérêt à travailler de façon symbolique, car la surface plane de l’image est une grande abstraction de la réalité. Il n’essaye pas de tromper le spectateur en tentant de lui faire accepter l’image comme une vue documentaire de la vie du modèle entièrement arrondie, à 360 degrés. À l’aide de symboles et d’objets environnementaux, notre connaissance est améliorée. Alors qu’une surface plane est abstraite, une image d’une grande profondeur tridimensionnelle transmet l’illusion de la réalité. Le point de vue de Newman se réfère davantage à une structuration abstraite qu’à une documentation stricte de réalité …
Les collages sont devenus encore plus importants pour Newman durant les dernières années, pas du fait d’un désir quelconque d’abandonner l’image simple et directe mais plutôt pour étendre ses possibilités …