Le goût de la modernité

9 Mars - 2 Juin 2018

Presentation

Marvin E. Newman, le conteur, Marvin E. Newman l'inventeur. Marvin E. Newman, le séducteur.

A 90 ans, l'œil plein de malice, Marvin E. Newman nous raconte, l'air de rien,  à travers mille anecdotes, l'histoire de la photographie américaine de l'après-guerre à nos jours. Homme curieux, ouvert sur le monde, ne se prenant jamais au sérieux, il a tout photographié avec un grand bonheur : du reportage de rue à la commande publicitaire ou sportive, en passant par la vie nocturne ou la photographie de mode. Comme beaucoup de photographes de sa génération, il n'a reculé devant aucune commande. Mais il l'a fait en suivant de manière très fidèle l'enseignement en 1949 de ses maîtres de l'Institute of Design deChicago (ex New Bauhaus). Comme il le dit lui-même « no matter what I shoot, I always photograph for myself ».  Marvin E.Newman a fait sien l'un des points forts du projet pédagogique de Lázló Mohóly Nágy, le fondateur de cette école mythique : expérimenter toujours et encore. Sortir des chemins balisés, prendre à bras le corps les nouvelles technologies. Imposer sa vision.

Aujourd'hui, Marvin E. Newman se consacre à ses archives avec une nouvelle passion et revisite son travail par le biais des impressions numériques.

C'est avec un grand plaisir que nous organisons à la galerie, la première exposition personnelle en France de Marvin E. Newman, avec une sélection de son travail allant de ses premières photographies faites durant son cursus universitaire à Chicago en 1950 à ses travaux datant des années 2000. De plus, nous projetons The Church on Maxwell Street, le film réalisé en 1951 avec son célèbre compère photographique Yasuhiro Ishimoto sur la rue qui a vu naître le blues de Chicago, un petit bijou cinématographique de sept minutes.

Dossier de presse

Communiqué de Presse

MARVIN E. NEWMAN, L’INVENTEUR

Je voulais commencer par écrire : Marvin E. Newman est né à l’âge de 16 ans, en 1943, au Brooklyn College de New-York où il eut pour parents Walter Rosenblum et Berenice Abbott. J’aurais aussi pu brouiller les pistes et affirmer que Newman était né en 1949 au célèbre Institute of Design de Chicago, fils de Harry Callahan et de Aaron Siskind. Mais un peu de sérieux, Marvin E. Newman est né le 5 décembre 1927 dans le Bronx, à New-York, fils de Monsieur et Madame Newman. Il vit aujourd’hui dans le New-Jersey.

Si on le lui demande, Marvin E. Newman se reconnait spirituellement lié à Lewis Hine, à Walker Evans et à Harry Callahan. Des deux premiers, et surtout de Hine, il retiendra une profonde compassion pour ses sujets. Une extrême humanité mêlée de mélancolie que l’on peut retrouver dans sa série Striptease à Kansas City qui date des années 1950 ou dans son travail sur les prostituées de la rue Saint Denis à Paris en 1960.  De Callahan, c’est là une évidence, il gardera une esthétique issue du Bauhaus, comme en témoignent ses photos de reflets qui datent de la fin des années 1940.

Mais Marvin E. Newman est bien plus qu’un élève ou un suiveur. Il est même tout le contraire, il est un inventeur. Il est de ces artistes qui ouvrent des portes. Pas une, des portes. Et ils sont rares ! En cela je n’hésite pas à le placer dans la lignée d’un Picasso qui ne cesse d’inventer et de se réinventer. Dans les œuvres de Marvin E. Newman, il faut bien faire attention à l’année de la prise de vue. Je pense notamment à cette photo de la bourse de Wall Street, Bird's Eye view, New York Stock Exchange. Comment ne pas penser à la série de photos d’Andreas Gursky, prises entre les années 1990 et les années 2000 ? Mais la photographie de Marvin E. Newman, elle, date de 1956 et elle me semble plus contemporaine encore. Il est impossible que Gursky ne s’en soit pas inspiré. Mais peu importe d’ailleurs. Aussi reconnue soit-elle, l’œuvre de Marvin E. Newman me semble encore largement sous-estimée vu l’importance qu’elle revêt dans l’histoire de la photographie.

Puisque nous évoquions la photographie Bird's Eye view, New York Stock Exchange, intéressons-nous à Marvin E. Newman, photographe couleur. Il n’est pas étonnant qu’en décrivant ses photos de Broadway du milieu des années 1950, Marvin E. Newman évoque comme source d’inspiration un autre de ses professeurs, le peintre Burgoyne Diller qui peut être considéré comme un élève américain de Mondrian. Et à y regarder de plus près, dans ces photographies de Broadway il n’est question que de cela, de lignes brisées, d’équilibre et de vibrations des couleurs. Ces œuvres sont autant l’œuvre d’un peintre que celle d’un photographe. Pour Newman, l’homme voit le monde en couleurs et non en noir et blanc. En cela, il est à l’opposé d’un Cartier-Bresson.

Et, pour en revenir à un sujet qui tient à cœur à Marvin E. Newman, celui de la prostitution, ses photographies prises à Reno dans le Nevada en 1970 relèvent d’une toute autre esthétique que celles prises jadis à Kansas City ou à Paris. Ces photographies sont annonciatrices d’une esthétique qui ne verra véritablement le jour que dans les années 1980 avec notamment Nan Goldin.

Il faut donc être vigilant. Il n’existe pas un seul, mais plusieurs Marvin E. Newman. Ou peut-être faudrait-il alors parler comme pour Picasso, de périodes. La période Chicago,la période New-York, la période San Gennaro,la période Coney Island,la période Kansas City,la période Broadway, la période Las Vegas,la période Wall Street,la période Sports Illustrated, la période 42nd Street,la période Californie, pour n’en citer que quelques-unes.

Marvin E. Newman ne cessera jamais d’être étonné. Et donc de nous étonner. De nous émerveiller. Bonjour, Monsieur Marvin Newman.

Olivier Beer