Presentation

Les sept photographes présentés dans cette exposition, Wayne Miller, Ray K. Metzker, Yasuhiro Ishimoto, Marvin E. Newman, Vivian Maier, Tom Arndt et Carlos Javier Ortiz couvrent une période de la photographie qui va de 1940 à nos jours. Ils n’ont ni le même parcours ni le même regard. Chacun nous livre une image différente de cette communauté afro-américaine venue à Chicago depuis le Sud, avec l’espoir de plus de liberté et d’un travail plus digne. Ces photos sont un témoignage bouleversant et hautement artistique de la vie des Noirs de Chicago pendant plus d’un demi-siècle.

Dossier de presse

Communiqué de Presse

Ray K. Metzker et Marvin E. Newman ont reçu un héritage unique, celui de Laszlo Moholy Nagy. Le Nouveau Bauhaus, transplanté à Chicago en 1937 sous son égide, instaure un apprentissage de la photographie qu’ils ont suivi dans les années 1950 sous la direction de Harry Callahan. Grâce à un enseignement expérimental et pratique, ils ont formé leur œil aux divers aspects de la création : introduction au design industriel, à la publicité puis la spécialisation en photographie ses aspects technique et surtout l’agilité à capter la lumière, les formes géométriques, le mouvement des silhouettes, le contraste des tons.

Mais formation commune ne veut pas dire uniformité, loin de là !

Ray K. Metzker choisit l’approche la plus géométrique, il a suivi l’enseignement de Callahan avec génie. Il explore le flou, les formes géométriques, toutes les nuances du noir et blanc, et les rues deviennent des décors de théâtre.

Marvin E. Newman, venu de Brooklyn, acquiert une large expérience du court métrage et de la photo et déambule librement avec son complice le Japonais Yasuhiro Ishimoto dans le Chicago noir. Ils sont les premiers à capturer le quartier où se mêlent toutes les ethnies de Chicago, et où les Noirs viennent acheter des vêtements modestes ou excentriques de seconde main, jouer leur blues et proposer leurs remèdes surnaturels aux malades. Maxwell Street est cette cour des miracles à laquelle n’ont pas résisté tous les autres photographes. Marvin Newman hante aussi le South Side, mais depuis les années 1940, la misère des Noirs n’a fait que croitre. Son regard se porte sur les enfants dont il saisit la joie. Il capte le regard de ces hommes dont on ne sait ce qu’ils attendent ou ce qu’ils fuient.

Wayne Miller n’a pour sa part jamais oublié son expérience pendant la guerre du Pacifique, pas plus que la vue d’Hiroshima. Il a forgé une documentation attentive de la vie quotidienne des Noirs qu’il a côtoyés dans sa ville natale de 1946 à 1948. Son œuvre est comme un long travelling à travers le South Side, un territoire où alternent la vie exubérante et publique des uns et la pauvreté des autres cachée au fond des sombres allées boueuses.

Vivian Maier, dont le destin singulier est désormais connu de tous, n’a évidemment suivi aucun enseignement. Il n’était pas aisé pour elle de s’aventurer dans le South Side noir.  Mais quelle réussite ! Elle a su saisir la lente attente des Noirs dans la rue ; et son regard est reconnaissable dans chaque photographie.

Tom Arndt, venu de son Minnesota rural, s’est lui aussi immiscé dans les quartiers noirs. La force de son implication jaillit particulièrement dans cette photo où un homme nous regarde alors que s’inscrit derrière lui ce simple mot Save. Sauver. A une lettre près, slave

Carlos Ortiz opère lui dans les années 2000 au cœur du South Side, où la violence sévit aujourd’hui comme hier. Les jeunes victimes de leur frère « de race » perpétuent cette culture de la solidarité dans la souffrance. Présent jour et nuit, il nous offre le paysage dévasté d’Englewood, où à chaque block de bâtiments présente une étape de ce mouvement incessant de construction et de démolition et constitue tantôt un champ de bataille, tantôt une terre de solidarité.

Qu’éprouvent ces photographes pour ces gens de couleur encore en marge des autres communautés ? Ils n’ont pas caché leur appareil et ont été à leur rencontre pour saisir leur place dans la ville, leurs attitudes et leurs histoires.

Cette exposition s’inscrit dans le cadre d’événements consacrés au Black Chicago, dont une conférence ouverte à tous, organisée par la branche parisienne de l’Université de Chicago du 15 au 18 novembre 2017.

Henri Peretz

Sociologue, Université de Paris 8, Senior Fellow Université de Yale