American Puzzle

3 Février - 5 Avril 2012
Jean-Christophe Béchet

Presentation

Comment photographier les Etats-Unis après les Maîtres du XXème siècle? A cette question obsédante, Jean-Christophe Béchet a adopté le point de vue du visiteur inquiet.

 

Ni reporter, ni photojournaliste, il a choisi le parti-pris du marcheur, de celui qui traverse les espaces et suit sa route pour la confronter à sa mémoire et à ses connaissances. Afin de raconter aussi l’évolution d’un territoire américain qui lui semble, année après année, de plus en plus «cabossé»...

 

L’exposition met en valeur une trentaine de photographies, un «extrait» de ses dix sept voyages réalisés entre 1996 et 2001. La plupart des images sont tirées d’après le procédé Cibachrome par Roland Dufau.
Dossier de presse

Communiqué de Presse

AMERICAN PUZZLE

 

"La mémoire croit avant que la connaissance ne se rappelle. 

Croit plus longtemps qu’elle ne se souvient, plus longtemps que la connaissance ne s’interroge"

Lumière d’août, William Faulkner

 

1988. Fin de mes études de photographie. Je ne suis alors jamais allé aux Etats-Unis, mais je conçois un livre intitulé Le voyage américain  dans lequel je rassemble, région par région, les photos prises aux USA qui ont façonné mon regard. Mon regard sur ce pays, mon regard sur la photographie elle-même. A travers Evans, Arbus, Frank, Friedlander, Avedon, Callahan, Baltz, Eggleston, De Carava… et Plossu et Depardon…

 

2011.  J’ai compté, je suis allé 17 fois aux USA. Seventeen trips  Mes référents  culturels et politiques ont évolué. D’autres images sont venues se superposer à celles qui remplissaient mon imaginaire. Mais tout s’est passé comme je l’avais imaginé. Que restait-il à photographier aux USA ? Rien ? Ce n’était pas possible… J’ai failli ranger mes boîtiers. Et puis, un soir, j’ai écouté au piano une énième version des  Variations Goldberg  de Jean-Sébastien Bach interprétés par un jeune pianiste. Après tant d’autres, et certains monstres sacrés, il osait affronter cette partition… Le parallèle s’imposait. Et si le territoire américain était justement nos  Variations Goldberg à nous les photographes du réel, de la société et de la politique ? Et si justement, il fallait un jour en passer par là ? Comme une nécessité d’aller se frotter à ce  réel imaginaire. Pour ensuite aller sinon plus loin, du moins ailleurs. Et être plus libre, peut être…

 

Deux ou trois escales en Asie durant ces dernières années et quelques lectures m’ont confirmé ce sentiment : les Etats Unis ne sont plus le  Nouveau Monde. Dans le viseur de mon appareil photo, je voyais au fil des années un univers de plus en plus brinquebalant et cabossé. Pourtant l’Amérique, ce pays-continent, restait fascinante et inquiétante pour un européen. Comment appréhender l’extraordinaire homogénéité d’un peuple fait de mille origines ? Comment comprendre cette adhésion aux mêmes valeurs et aux mêmes signes : le capitalisme, le dollar, le drapeau, les panneaux de basket, Jésus, le culte de la voiture … Oui, l’American Way of Life change, s’adapte mais existe toujours.

 

L’idée du puzzle s’est alors imposé. Chaque image, chaque pièce est différente, voire étonnante, biscornue, mais elle s’insère dans un grand ensemble que je souhaite cohérent. Ce fut le défi du livre. Page après page, je voulais faire cohabiter le noir et blanc et la couleur, le western et le jazz, Faulkner et Kodak, la ville et la campagne…  En cours de route, j’ai décidé que New York n’y trouvait plus sa place, j’en ai enlevé les images. Et j’ai repris ma route  balisée, mon parcours entre réalité et photographie. Et j’ai (re)trouvé mon Amérique, celle que je hais, celle que j’aime. Celle qui oublie si vite son histoire si courte, celle qui impose sa mémoire visuelle à tout photographe qui s’y rend.

 

Sur le terrain, je n’avais pas le choix, j’ai assumé mes influences. J’ai rencontré "par hasard" le tricycle d’Eggleston, les femmes de Winogrand, les drapeaux de Frank, les coins de rues de Stephen Shore, les carrefours de Friedlander, les façades d’Evans… Autant de hasards objectifs… Le thème était là : restait à trouver la tonalité et le tempo …

 

Jean-Christophe Béchet